Aujourd’hui est un jour important pour les gens qui s’intéressent à la climatologie, avec la sortie du 6e rapport du Groupe I du GIEC, travail de mastodonte de chercheurs dévoués à nous informer sur nos impacts sur le climat et sur notre avenir.
Je ne sais pas si ce rapport intégrera cette étude de Ceppi et. al (soumise fin 2020 mais publiée il y a seulement 2 semaines) mais elle constitue une percée importante ! En tous cas, je vous la partage. Je suis comme ça : toujours à la pointe, avec un coup d’avance ????
Blague à part (surtout que je ne fais que reprendre des éléments de ce nouvel excellent article de Carbon Brief), un des résultats les plus déterminants de la climatologie est la sensibilité climatique : le niveau de réchauffement correspondant à un doublement de la concentration atmosphérique de CO2 par rapport à l’ère pré-industrielle. Malgré tout le travail effectué depuis 40 ans, l’incertitude reste importante autour de ce chiffre. Le GIEC retenait dans son 5e rapport de 2013 un intervalle de +1,5 à +4,5C pour une concentration de 560ppm (qui arriverait autour de 2060 si l’on ne change rien).
Le rôle des nuages est de loin le facteur d’incertitude le plus important. Les nuages bas et clairs exercent un effet refroidissant tandis que les nuages hauts et fins laissent passer le rayonnement solaire et absorbent une partie du rayonnement infrarouge émis par la Terre, exerçant ainsi un réchauffement. L’affaire est compliquée car dans la plupart des endroits du globe, les différents types de nuages se superposent. Pour ne rien arranger, la formation, croissance et disparition des nuages met en jeu de nombreux processus allant de l’échelle sub-micro à des systèmes nuageux de plusieurs kilomètres de long. Les climatologues s’arrachent les cheveux.
Les nuages ont globalement un rôle refroidissant à l’heure actuelle, mais le réchauffement climatique pourrait modifier leurs propriétés de manière à les rendre plus refroidissants ou au contraire plus réchauffants (c’est la « rétroaction nuageuse »).
Cette nouvelle étude est source d’enthousiasme dans la communauté scientifique car elle propose une approche susceptible de mieux comprendre la rétroaction nuageuse, donc la sensibilité climatique.
L’étude conclue qu’il est « extrêmement improbable » que les nuages exercent une rétroaction « négative » (donc refroidissante) et qu’il est « très probable » qu’elles exercent une rétroaction « positive » (donc un effet réchauffant, ce qui est négatif pour notre pomme).
L’intervalle de sensibilité climatique proposé va ainsi de +2,6 (avec 17% de chances d’être en-dessous) et +4,2C, (avec 17% de chances d’être au-dessus, ce qui serait extrêmement violent, mais pas besoin d’aller jusque là pour que ce soit le carnage un peu partout sur Terre). Les valeurs en-dessous de +2C sont « extrêmement improbables » (moins de 0,5% de probabilité).
En d’autres termes, ce serait une très mauvaise idée de reposer sur la Providence.
Cette étude en rejoint d’autres réalisées depuis 2013 permettant d’affiner l’estimation de la sensibilité climatique.
Sa principale avancée méthodologique est l’utilisation de données satellitaires mensuelles permettant d’inférer la réaction des nuages à divers facteurs environnementaux (température, humidité, vents…) et l’application de techniques de « machine learning » pour analyser les résultats.
Selon Ceppi, cette étude est la première à estimer l’effet des nuages de manière globale (les études passées étant plutôt sur une maille régionale) sur tous les types de nuages (et non sur un type en particulier).
L’analyse par machine learning permet également d’isoler les impacts individuels des différents facteurs environnementaux sur la rétroaction nuageuse (température de surface, stabilité troposphérique).
Bravo à ces personnes qui font avancer la science.