Climat

Le nouveau rapport du GIEC dit-il quelque chose sur « la fin du monde » ?

Spread the love

J’ai enfin trouvé le temps de lire attentivement le résumé du dernier rapport du GIEC. Certes il ne changera peut-être pas le monde, mais pour quiconque s’intéresse au climat, le travail (bénévole et exigeant) de ce groupement, et des milliers de climatologues dont les études sont synthétisées par ce groupement, ne peut que forcer l’admiration et le respect : 30-40 ans à bâtir patiemment et minutieusement un consensus scientifique, en tenant compte des travaux de tous les chercheurs sérieux.

Si bien qu’en 2021, nous aboutissons à un rapport avec beaucoup de phrases très affirmées, malgré un processus de validation très exigeant passant entre les mains de milliers de climatologues et de 195 pays, qui ont donc jugé que ces phrases très affirmées étaient un fidèle reflet de l’état des connaissances scientifiques actuelles sur le climat.

Je vous tire mon chapeau Mesdames et Messieurs du GIEC, bravo et merci.

On m’a demandé en privé « alors ils disent quoi sur la fin du monde ? ». Hmmm, eh bien bonne question. Sans m’attarder sur la définition de « fin du monde », j’attire votre attention sur les passages C3 et C3.4 (traduction française en commentaire). Interprétez-les comme bon vous semble.

« Low-likelihood outcomes, such as ice sheet collapse, abrupt ocean circulation changes, some compound extreme events and warming substantially larger than the assessed very likely range of future warming cannot be ruled out and are part of risk assessment. »

« The Atlantic Meridional Overturning Circulation is very likely to weaken over the 21st century for all emission scenarios. While there is high confidence in the 21st century decline, there is only low confidence in the magnitude of the trend. There is medium confidence that there will not be an abrupt collapse before 2100. If such a collapse were to occur, it would very likely cause abrupt shifts in regional weather patterns and water cycle, such as a southward shift in the tropical rain belt, weakening of the African and Asian monsoons and strengthening of Southern Hemisphere monsoons, and drying in Europe. »

Sachant qu’il n’y a pas besoin de dérèglement climatique pour que ce soit « la fin du monde ». Mais rien qu’en raison du climat, le risque semble non-négligeable.

Se pose aussi la question du niveau de réchauffement à partir duquel c’est « la fin du monde ». A lire le rapport du GIEC (et nombreux autres papiers sur le sujet), à +3C il m’est difficile de me prononcer, même s’il se dessine un monde probablement très dangereux. Par contre à +4C, oui mon interprétation est qu’il y aurait clairement des guerres, des pénuries, des famines, des dizaines de millions de réfugiés, bref un monde chaotique, violent et raciste (à nouveau, sans même parler des risques autres que le climat).

Se pose alors la question de la probabilité d’un monde à +4C.

Là aussi j’invite chacun à lire le paragraphe A.4.4 (page 15) sur la sensibilité climatique, et les pages 17 et 30 sur les scénarios d’émissions et de hausses des températures : le risque est loin d’être négligeable, même dans le scénario SSP3-7.0. Celui-ci implique très peu d’efforts de réduction des émissions de CO2 (ex. 2 fois plus d’émissions en 2100 par rapport à aujourd’hui) mais il est hélas plausible et c’est le chemin que nous prenons pour le moment.

On pourrait se dire qu’une fois arrivés à +2C, le climat nous « sonnerait les cloches » et nous inciterait à agir, et c’est vrai que cela réduit le risque. Mais ce n’est pas sûr : cet article du Guardian relève de nombreux exemples de promesses non-tenues, de cynisme, de mauvaise foi et de greenwashing, et on peut aisément imaginer que cette mascarade dure aussi longtemps que possible (et dans un monde à +2C, ce serait encore possible).

https://www.theguardian.com/commentisfree/2021/may/06/difference-real-climate-policy-greenwashing-emissions

De surcroit, l’inertie du système énergétique, et le fait de s’être rendus dépendant des énergies fossiles partout dans le monde (pour manger, pour se climatiser, pour faire tourner les infrastructures et les services de base etc…) fait que même une fois que le climat nous « sonne les cloches », on ne sort pas de notre dépendance aux énergies fossiles en un claquement de doigts. C’est le « verrouillage carbone ».

La bonne nouvelle est évidemment qu’il est encore temps d’infléchir la tendance et au moins de limiter la casse.

Traduction française non-officielle du résumé aux décideurs.

https://resumegiec.wordpress.com/2021/08/11/rapport-du-giec-resume-pour-les-decideurs/?fbclid=IwAR2jD5L8N_iO8ZuV1WQdl_o6nLESjuxXlW_jJQJEn9kEfbSLVKMTGiPlIxE

Articles similaires

Laisser un commentaire

Votre adresse e-mail ne sera pas publiée. Les champs obligatoires sont indiqués avec *

Bouton retour en haut de la page