Sobriété : est-ce que les Français « jouent le jeu » ?

Sobriété énergétique : apparemment « les Français jouent le jeu ». En effet les chiffres de baisse de consommation de gaz et d’électricité, en si peu de temps, sont énormes. Du jamais vu.
Donc on aurait envie de dire bravo. Quelques petites nuances quand même…
Beaucoup d’industriels réduisent leur production voire mettent la clé sous la porte. Ça ce n’est pas de la « sobriété », c’est juste de la faillite. Des chefs d’entreprise sont d’ailleurs venus témoigner sur mon post LinkedIn de leur détresse, et traversent de grosses difficultés. Donc un peu de décence SVP au niveau de l’auto-satisfaction et de la fanfaronnade.
Outre cela, la baisse chez les entreprises du tertiaire et chez les ménages est également très marquée, et ce malgré le bouclier tarifaire protégeant les ménages. Il y a donc de gros efforts. Comme beaucoup s’en foutent, cela signifie que beaucoup d’autres font des efforts colossaux bien au-dessus de la moyenne.
Au vu des ordres de grandeurs et des consommations difficilement compressibles, cela signifie forcément que les usagers ont fortement réduit les gros postes de consommation que sont le chauffage et l’eau chaude sanitaire. On peut s’en féliciter, et appeler à pérenniser cette tendance, qui va dans le sens de notre sécurité énergétique collective sur le long terme.
Un bémol de taille tout de même : certes avec le bouclier tarifaire les ménages sont protégés et a priori choisissent cette « sobriété ». Cependant on peut imaginer que la hausse des prix sur d’autres produits, alimentaires notamment, incite les ménages, surtout les plus démunis, à tailler dans leur consommation de chauffage.
Par ailleurs beaucoup de ménages anticipent le recul du bouclier tarifaire en 2023.
Donc la chose est au moins en partie subie, et les efforts portés de manière disproportionnée par les plus précaires.
Il ne faut pas être naïf sur les injonctions à la sobriété : je m’y intéresse depuis 20 ans et observe hélas qu’on ne change de comportement que lorsqu’on touche au portefeuille. Sinon globalement les gens s’en fichent. Les injonctions ont au mieux un effet nul.
Par exemple, des millions de Français suivent sur les réseaux sociaux des comptes (dont mon petit compte) appelant à réduire le trafic aérien. Des centaines de milliers, typiquement dans la cible, mettent des likes. Au vu des proportions, cela devrait se traduire au moins un peu dans les choix individuels, surtout une année comme celle-ci.
A ce propos, malgré toute cette « sobriété » en 2022, les émissions de gaz à effet de serre de la France n’ont baissé que de 0,3% d’après le CITEPA. C’est peanuts.
Déception en partie liée au fait qu’on a redémarré des centrales à charbon et fait tourner à fond des centrales à gaz. Et en partie liée au fait qu’il n’y a guère de « sobriété » au niveau des transports, dont le transport aérien, qui est pourtant en grande partie dispensable par de la « sobriété ». L’empreinte du transport aérien demeure lourdement orientée à la hausse alors qu’elle devrait lourdement baisser.
Il faut des tarifs incitatifs pour récompenser la sobriété dans tous les domaines, de manière socialement équitable.
Ainsi que des tarifs dissuasifs pour inciter à la sobriété, toujours de manière socialement équitable.
Et enfin des quotas et des réductions planifiées de nos capacités d’émissions de GES.
Cela peut (et doit) tout à fait se faire démocratiquement. Cela s’est vu à travers l’histoire, et plus récemment à travers la Convention Citoyenne pour le Climat.
On ne peut juste pas laisser l’inflation écraser les plus pauvres en premier, et laisser les plus riches poursuivre la fête.
Ce n’est pas correct et ce n’est pas sérieux.