Combien de tonnes de CO2 nécessaires pour réaliser la transition énergétique ?

La transition énergétique émettra du CO2 car elle nécessitera (comme toute activité économique actuellement) de consommer plus ou moins d’énergies fossiles afin de déployer le nouveau système énergétique. Jusqu’ici ça va. Mais voilà une étude intéressante parue dans Nature, qui chiffre la chose, et doit nous inviter à réfléchir. Voici ce que j’en retiens (merci à Vincent Mignerot de m’avoir transmis la source).
https://www.nature.com/articles/s41467-022-33976-5
1) Les besoins de la transition en énergie fossile ne sont pas négligeables, taillant plus ou moins significativement dans notre budget carbone restant (sachant qu’on a d’autres activités émettrices de CO2 que la transition, beaucoup d’autres).
2) Idéalement, cela devrait influer nos choix stratégiques, notamment en ce qui concerne la rapidité de la transition et la gestion de la demande mondiale en énergie.
(Dans la réalité ces choses-là ne se gèrent pas comme dans le jeu vidéo Civilization, les décideurs s’en battent les yeuks de mon post, attendent passivement que le marché et la technologie fassent le boulot… mais bon continuons de geeker, ça rassure et ça détend).
3) Les trajectoires de décarbonation rapide avec diminution de la demande en énergie produisent moins d’émissions. Comme on le voit sur ce graphique, avec les barres jaunes, l’écart est conséquent.
La trajectoire LED nécessite ~70 Gt de CO2 pour mettre en place le nouveau système énergétique (soit quand même l’équivalent de 2 ans d’émissions mondiales de CO2 au niveau actuel).
La trajectoire S5-R émet ~200 Gt de CO2 mais la fourchette haute va jusqu’à ~350 Gt (soit environ 10 années d’émissions de CO2, proche de notre budget pour rester sous les 1,5C).
4) De plus, LED ne nécessite pas d’émissions « négatives » (capture du CO2 dans l’air). Inversement, la trajectoire S5-R en nécessite beaucoup, par exemple par des cultures énergétiques avec capture de CO2 (BECCS). Comme nous l’avons vu ici à une époque, la BECCS à une telle échelle serait juste une catastrophe mondiale pour la ressource en eau, l’usage des sols, la sécurité alimentaire, et la biodiversité. Voir par exemple cette étude de l’IDDRI :
5) LED fait souvent référence parmi le chercheurs en termes de scénario mettant particulièrement l’accent sur la « sobriété ». Cela imposerait une réduction rapide et significative de nos niveaux de consommation d’énergie : -40% de consommation d’énergie finale d’ici 2040-2050 (donc encore davantage pour les pays riches). Vous pouvez entrer dans le détail de l’étude si vous le souhaitez.
https://pure.iiasa.ac.at/id/eprint/15301/
Spoiler : on n’y parvient pas juste avec des SUV électriques et des avions à hydrogène, mais en limitant drastiquement la consommation de mètres carrés, de transports, de viande rouge etc.
Vous l’interpréterez comme vous voulez, mais il me semble qu’on ne parvient pas à cela autrement que par des interdictions, des taxes lourdes sur le CO2, des quotas, etc.
Cyrus Farhangi