Frontières planétaires : mais comment font-ils pour les évaluer ?

En préambule : merci mille fois et bravo au Stockholm Resilience Center. Je ne fais ici que tenter de contribuer à la reconnaissance de leur travail.

Allez c’est parti.

L’intégrité de la biosphère se mesure par la perte de diversité génétique, quantifiée par le taux d’extinction des espèces, actuellement estimée entre plusieurs dizaines à plusieurs centaines de fois le taux d’extinction naturel.

L’intégrité de la biosphère se mesure aussi par la perte de biodiversité fonctionnelle, évaluée par la Production Primaire Nette (NPP). La NPP est la quantité de biomasse ou de carbone produite par les producteurs primaires (plantes et autres autotrophes) par an, après avoir déduit la quantité respirée par ces producteurs. C’est une mesure importante de la productivité d’un écosystème : elle représente la quantité d’énergie disponible pour les consommateurs primaires, tels que les herbivores.

La limite de l’eau douce porte sur l’eau bleue (celle des lacs, des cours d’eau et des nappes) et l’eau verte (celle des sols et des plantes). Le Stockholm Resilience Center emploie le débit des cours d’eau comme proxy pour représenter l’eau bleue et l’humidité du sol des zones racinaires pour représenter l’eau verte. Les variables de contrôle sont le pourcentage de la superficie annuelle des terres libres de glace dont le débit et l’humidité du sol des zones racinaires dévie de manière significative de la variabilité préindustrielle.

Les aérosols sont des particules en suspension dans l’air (ex. dioxyde de soufre), généralement issus de la combustion d’énergies fossiles et des incendies de forêts. Pour évaluer la charge d’aérosols atmosphériques, les scientifiques emploient comme variable de contrôle la profondeur optique des aérosols, c’est-à-dire le degré de réduction du rayonnement solaire atteignant la surface de la Terre (car les aérosols absorbent ou diffusent le rayonnement). Des niveaux trop élevés d’aérosols risqueraient de mettre le bazar dans les moussons et les précipitations un peu partout. Il y a de l’incertitude dans l’affaire, mais apparemment on n’a pas encore dépassé cette frontière.

La variable de contrôle de l’introduction d’entités nouvelles dans la biosphère est la part des substances chimiques faisant l’objet d’une évaluation et d’une surveillance adéquates de leur sureté. Bon… en gros c’est tout rouge parce qu’on balance plein de substances comme le plastique, les perturbateurs endocriniens et les OGM, avec très peu de contrôle. Par exemple, environ 80 % les substances chimiques déclarées sous la directive européenne REACH sont utilisés depuis au moins 10 ans sans avoir fait l’objet d’une évaluation de sureté.

Les variables de contrôle du changement climatique comprennent la concentration atmosphérique de CO2 (en parties par million) et le forçage radiatif d’origine humaine (mesuré en Watts par m², donc la quantité d’énergie par unité de temps et de surface).

La variable de contrôle de l’appauvrissement de l’ozone stratosphérique est le Dobson Unit : la quantité d’ozone nécessaire pour créer une couche d’ozone de 0,01 mm d’épaisseur à la surface de la Terre.

Pour l’acidification des océans, la variable de contrôle utilisée est la concentration d’ions carbonate dans l’eau de mer de surface (et plus précisément, le taux de saturation de l’aragonite). Si les choses continuent ainsi, les micro-organismes calcificateurs marins finiront par avoir de trop grandes difficultés à structurer leur coquille ou squelette calcaire, ce qui est ennuyeux dans la mesure où ces organismes sont la base de la chaine alimentaire des océans.

Les variables de contrôle du changement d’utilisation des sols sont la couverture forestière restante des forêts boréales, tropicales et tempérées, par rapport à la superficie potentielle de ces forêts à l’Holocène.

Enfin, la perturbation des cycles biogéochimiques se mesure par la quantité d’azote réactif généré par les humains, et la quantité de phosphore déversée dans l’environnement par les activités humaines. Il est estimé que nous avons largement dépassé la frontière, ce qui provoque l’eutrophisation de l’eau et l’apparition de zones anoxiques à grande échelle (autrement dit : des zones côtières mortes).

Bref, de la science, de la joie et de la bonne humeur.

Pour prendre la question sous un autre angle, nous avions déjà publié ici un article sur le rôle de notre alimentation dans le dépassement des frontières planétaires.

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