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Que faudrait-il pour que le monde atteigne bientôt son pic d'émissions de CO2 ?

Que faudrait-il pour que le monde atteigne son pic d'émissions de CO2 dans les prochaines années, avant que les émissions ne diminuent ? Au risque de simplifier les choses (mais en argumentant), cela n'arrivera que si et seulement si l'éolien, le solaire, et le nucléaire ne prennent massivement la place du charbon en Chine pour la production d'électricité.

Le gaz fossile aussi peut y contribuer (sic... mais bon c'est toujours quand même moins émissif que le charbon, sauf dans de rares endroits où les fuites de méthane des infrastructures gazières sont trop importantes... merci au passage à Rodolphe MEYER alias "Le Réveilleur" de m'avoir aimable signalé en privé une erreur de ma part sur ce point).

Le début d'une sortie du charbon en Chine ne serait bien sûr qu'une première étape, loin de suffire à nous tirer d'affaire.

En préambule, je ne dis pas cela du tout pour minimiser le rôle de la France et de l'Occident (vous le verrez dans ce qui suit), ni celui de la sobriété. J'ai juste soulevé une question (importante), et j'essaie d'y répondre. Un peu comme dans un examen.

Allez c'est parti.

1) Les émissions domestiques de la Chine représentent 67% de l'augmentation des émissions mondiales de CO2 entre 2000 et 2021.

En 2021 la Chine émettait 31% des émissions de CO2, l'Asie (hors Chine et Inde) 21%, les Etats-Unis 13,5%, l'UE 7,5%, l'Inde 7,3%, l'Europe hors UE 6,8%, l'Afrique 3,9% etc. Vous aurez toutes les données ici. Si l'on ajuste pour ce que la Chine exporte pour les autres, on peut lui retirer de l'ordre de 10% de ses émissions.

Cela peut en surprendre certain(e)s, mais la Chine ne produit pas surtout pour "nous" mais surtout pour elle-même. Elle compte une classe aisée et une classe moyenne qui consomment comme "nous", et engloutit par exemple la moitié de l'acier et du ciment dans le monde, essentiellement pour construire des infrastructures et des bâtiments pour les Chinois (ou parfois pour personne, avec des bâtiments vides et des villes fantômes... d'ailleurs la bulle immobilière éclate, mais c'est un autre sujet).

2) L'Union Européenne et les Etats-Unis ont commencé à diminuer leurs émissions depuis 2005, en comptant les "émissions importées". C'est bien sûr trop lent, il faut accélérer le déploiement des énergies bas-carbone, il faut faire beaucoup plus de sobriété etc.

Mais supposons que l'UE et les US n'accélèrent pas les prochaines années au point de contrebalancer une augmentation des émissions chinoises de CO2. Cela semble hélas très probable. Donc il faut que la Chine commence à diminuer ses émissions.

3) S'il doit y avoir un pic de la production mondiale de pétrole (parce que yapu assez) et/ou de la demande (électrification de la mobilité, sortie du chauffage au fioul etc.) il m'apparait hélas plausible, en synthèse de mes lectures diverses, qu'il y ait un plateau de 10-15 ans suite au pic, avant la descente (pardon pour mon manque d'argumentation ici, mais je publie régulièrement sur ce sujet). Donc il faut vraiment commencer à se débarrasser du charbon, notamment en Chine.

4) Les émissions chinoises étaient stables en 2022 par rapport à 2021, mais le signal est brouillé par les mesures anti-Covid. Par ailleurs vers 2015 nous avions cru, à tort, à un éventuel début de diminution. Donc prudence.

5) Le charbon sert à 70% pour la production d'électricité (le reste pour la métallurgie, la production de ciment, d'autres usages industriels, et le chauffage).

L'histoire montre que le charbon pour la production d'électricité est l'utilisation d'énergie fossile dont on sait le mieux se débarrasser. Beaucoup de pays ont déjà sorti le charbon de leur mix électrique, ou n'en sont pas loin (Europe, Etats-Unis...). Et pour la suite le solaire et l'éolien offrent des moyens supplémentaires significatifs pour ce faire.

Voilà donc pourquoi nous pourrions raisonnablement espérer un pic mondial des émissions de CO2 les prochaines années. Certes c'est trop tard, il aurait fallu que ce soit il y a 20-30 ans. Certes la descente après le pic sera probablement trop lente.

Mais franchement sur ce sujet comme d'autres, j'ai appris à faire mon deuil. Si déjà on peut se mettre sur une trajectoire permettant d'éviter les +3C voire les +2,5C, la catastrophe serait moins catastrophique et ce serait une première petite victoire. On pourrait peut-être même s'adapter bon an mal an au réchauffement, éviter d'avoir recours à la géo-ingénierie solaire et de faire n'importe quoi en prenant des risques inconséquents.

Sachant qu'en raison de l'incertitude autour de la sensibilité climatique à l'équilibre, nous n'avons pas entièrement notre destin entre nos mains. Et la plage d'incertitude est large (environ 1,5C).

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